Une race d’hommes vécut alors, race des plus dures, et digne de la dure terre qui l’avait créée. Des os plus grands et plus forts que les nôtres formaient la charpente de ces premiers hommes, leur chair avait une armature de muscles puissants, ils résistaient aisément aux atteintes du froid et du chaud, aux changements de nourriture, aux attaques de la maladie. Que de révolutions le soleil accomplit à travers le ciel, tandis qu’ils menaient leur vie errante de bêtes sauvages ! Nul ne mettait sa force à conduire la charrue recourbée, nul ne savait retourner la terre avec le fer, ni planter de tendres rejetons, ni couper aux grands arbres, avec la faux, leurs rameaux vieillis. Ce que le soleil et la pluie donnaient, ce que la terre offrait d’elle-même, voilà les présents qui contentaient leurs coeurs. C’est parmi les chênes, avec leurs glands, qu’ils se nourrissaient le plus souvent ; et ces fruits que tu vois de nos jours à la saison d’hiver annoncer leur maturité en se colorant de pourpre, les arbouses, la terre les portait alors plus nombreux et plus gros. Enfin, dans sa fleur, la nouveauté du monde abondait en grossières pâtures qui suffisaient aux misérables mortels.